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Comment allier une oscillation entre performance et lenteur chez nos étudiants ?

Démarré par Pascal Detroz dans Former des étudiantes et des étudiants robustes 10 avril 2025 16:32

Dans une époque traversée par les crises et l’incertitude, que signifie “former” des étudiantes et des étudiants ? Et si notre mission n’était pas seulement de transmettre des savoirs, mais d’aider chacun·e à devenir capable d’agir, de penser, de coopérer malgré les fluctuations que la vie réserve ? Peut-on former à la robustesse humaine ? À l’acceptation de l’inachèvement, à la richesse de l’incohérence, à la puissance de la diversité ? Est-ce raisonnable ? A l'heure ou les savoirs s'accroissent, ne devrait-on pas se concentrer sur leur transmission ? Les universités peuvent-elles réellement jouer un rôle dans la formation de ce profil d'étudiant "robuste" ? Est-ce sont rôle ? 

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14 avril 2025 17:01

Former, aujourd’hui, ne peut plus signifier seulement transmettre. Dans un monde traversé par l’incertitude, les crises systémiques et les transitions brutales, former devrait aussi vouloir dire : préparer à l’imprévu, outiller pour le doute, pour la coopération, pour l’adaptation dans un environnement instable — bref, former à la vie dans sa complexité.

Ce n’est pas renoncer aux savoirs. C’est au contraire les replacer dans une dynamique vivante, évolutive, où le savoir ne se fige pas, mais circule, bifurque, se transforme. C’est inscrire la transmission dans une perspective plus large : celle d’un développement humain robuste — une robustesse fondée non sur la rigidité, mais sur la souplesse, l’incomplétude assumée, la capacité à faire avec les frottements du réel.

Former à la robustesse humaine, c’est apprendre à penser sans tout résoudre, à agir sans tout maîtriser, à accepter que l’inachèvement ne soit pas un défaut, mais une ressource. C’est peut-être une nécessité plus qu’un luxe, à l’heure où la pression à l’optimisation et au contrôle fragilise nos institutions autant que nos esprits.

Mais est-ce le rôle de l’université ? Historiquement, elle fut aussi cela : un milieu de pensée critique, de dissensus fécond, d’ouverture aux contradictions. Le problème n’est pas tant dans sa mission que dans les cadres qui l’enserrent : fragmentation des temps, logique de résultats, morcellement des savoirs, injonction à l’efficacité mesurable.

Alors oui, c’est raisonnable — mais pas au sens d’une rationalité froide et comptable. C’est raisonnable au sens écologique : une manière de penser la formation comme un processus vivant, soutenable, profondément humain.

Si l’université peut redevenir un lieu où l’on apprend aussi à se penser comme organisme pensant dans un monde incertain, alors elle retrouvera peut-être, paradoxalement, une forme de stabilité : celle que donne une mission vivante, collective, et jamais tout à fait terminée.


heart
16 avril 2025 17:49

Parfois de la lenteur, parfois de la vitesse. Parfois du présentiel, parfois du distanciel. Parfois des contenus, parfois du jeu. Parfois du superficiel, parfois de l'approfondi. Hattie montre bien que l'opposition deep/shallow learning est simpliste. Mais avant tout cela, de la responsabilisation, de la créativité et de l'agilité ("jouer sa peau", Taleb). 

heart
17 avril 2025 16:47

Dominique, ta réponse m'évoque l'intérêt en tant qu'enseignant (qui le plus souvent "enseigne pour les élèves moyens" (Tomlinson, C. A. (2014). The differentiated classroom: Responding to the needs of all learners. Ascd) de trouver des solutions pour ne pas "faire attendre les rapides" et "que toute la classe attende les plus lents". En tant que conseillère pédagogique, je suis attentive à ne pas "aller trop vite", à proposer plusieurs manières de procéder, à revenir sur les notions-clefs, à doubler le message écrit d'une forme schématique, de pratiquer des analogies. Mais je dois bien avouer qu'en qualité d'apprenant, cela m'énerve.... Dans les formations que je suis, souvent, je me dis qu'une demi-journée aurait suffit...
Alors ces deux postures (enseignant et apprenant) ne peuvent qu'être séduites par les "lignes directrices de la conception universelle de l'apprentissage", qui, pour résumer, donnent à l'apprenant la main sur les moyens de représentations, d'action et d'expression, ainsi que les moyens d'engagement. Alors certes, c'est un surcroit de travail pour l'enseignant en amont, mais cela le libère ensuite de ses efforts d'individualisation.

Ainsi, proposer aux étudiants de découvrir un article scientifique en format texte, audio, ou sous la forme d'une infographie leur permet de choisir la forme qui, à ce moment-là de leur travail, leur convient le mieux. Intégrer un glossaire collaboratif en ligne où les étudiants définissent ensemble les termes-clés du cours peut embarquer les étudiants dans une approche collective d'un phénomène complexe,
Donner le choix de rendre un projet sous forme de poster scientifique, de capsule vidéo, de présentation orale, c'est leur donner la possibilité d'expérimenter et de réutiliser d'autres manières plus créatives de s'exprimer. D'autres bonnes idées à tester en remplissant le petit questionnaire, forcément un peu caricatural, mais qui a le mérite de montrer que certaines initiatives sont finalement assez faciles à mettre en oeuvre. Et on dépasse de facto l'idée de "teach to the middle". Ce sont des premiers pas...

 

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