L’objectif est-il de former des étudiant à devenir des universitaires obéissants ou des professionnels compétents ?
Nombreux sont les jeunes diplômés, y compris après un master, qui témoignent d’un sentiment de décalage, voire d’incompétence, en entrant dans la vie professionnelle. Ce malaise se manifeste notamment face à la gestion de projets, à la prise d’initiative dans des contextes variés/inconnus ou encore face aux codes sociaux dans le monde du travail. Ce constat soulève une interrogation fondamentale : comment préparer des étudiant à devenir des professionnels compétents dans un monde en perpétuelle mutation, où les attentes sont toujours plus grandes ? Il s’agit non seulement de leur transmettre des savoirs, mais aussi de les former à agir, à oser, à proposer, en d’autres termes, à adopter des comportements professionnels adaptés aux exigences globales et évolutives du monde professionnel.
Par ailleurs, il est fréquemment reproché aux étudiant d’adopter des stratégies d’étude centrées sur la réussite de l’évaluation plutôt que sur l’apprentissage. Peut-on réellement leur en vouloir ? Cela pousse à questionner la structure même de certaines formations, dans lesquelles les finalités du cours ne sont ni suffisamment explicitées, ni clairement articulées aux enjeux professionnels futurs. C'est lorsque la valeur ajoutée d’un enseignement n’est ni tangible à court terme, ni perçue comme significative dans le parcours de l’étudiant, qu'il privilégie des logiques de conformité évaluative. Or, bien que la capacité à mémoriser soit valorisable et utile, elle ne garantit pas la capacité à mobiliser les savoirs de manière pertinente et contextualisée. Ce glissement vers une performance déconnectée de l’usage réel des connaissances met en lumière la nécessité de concevoir des dispositifs pédagogiques renforçant la transférabilité, la mobilisation critique des savoirs et la construction de compétences transversales ainsi que de stratégies d’apprentissage durables et adaptables.
En réalité, l’objectif est-il de former des étudiant à devenir des universitaires obéissants ou des professionnels compétents ? Un universitaire à la fin de son cursus est-il un bon professionnel pouvant s'inscrire dans des contextes variés et complexes ?
Ne serait-il pas temps de repenser les formations universitaires en remettant au centre les objectifs à long terme en clarifiant et en se questionnant sur la manière dont un cours amène à développer une posture professionnelle robuste, capable de faire face à la complexité et à l’incertitude ?
Former avec robustesse ne signifie pas abaisser les exigences, mais les inscrire dans une dynamique cohérente et de développement de compétences durables, ancrées dans les réalités de demain.
Merci, chère Louise pour ton intervention pertinente. Une question : tu parles de professionnels compétents ou de posture professionnelle robuste. La robustesse ne s'envisage-t-elle , selon toi, qu'à travers la professionnalité ? Quid si, dans un monde en crise et via, par exemple, l'émergence de l'Intelligence artificielle, on assiste à une transformation massive du monde professionnel ? Ne doit-on pas viser au-delà de ces compétences professionnelles ? Qu'en penses-tu ?
Bonjour,
Je comprends l'intervention de Louise. A l'inverse des UFR (j'y ai enseigné pendant 10 ans), les IUT en France ont la particularité d'être en phase avec le monde professionnel. En effet, les échanges entre les "deux mondes" ont lieu tout au long de l'année (stage, apprentissage...) et le retour des entreprises est plutôt positif. Cependant, le risque pour les formateurs est de calquer nos formation sur les besoins des entreprises qui sont souvent mal définis et très court-termistes (car elles visent la performance).
Il ne faut pas non plus, comme le dit Louise, former les étudiants comme des futurs chercheurs (très peu d'entre eux arriveront jusque la). On est très loin de la robustesse dans ce cas car on se retrouve avec des étudiant(e)s qui ne connaissent rien du milieu professionnel.
Pour moi la robustesse serait de former des étudiant(e)s ayant les bases théoriques et sociales leur permettant de s'adapter à la plupart des environnement de travail. L'entreprise d'accueil peut tout à fait former en interne les néo-professionnels dans le cas d'un besoin de spécialisation.
Cela étant dit dans la pratique c'est très difficile à mettre en place. Il faut convaincre les collègues, les étudiant(e)s et aussi lutter contre ses vieux réflexes de performance.
J'ai invité Olivier Hamant à discuter avec nos étudiants en mars, j'espère qu'il réussira à les convaincre.