Surprenant que cet auteur et ce livre, dont le titre se donne comme un reflet inversé du concept de "robustesse", ne soit pas apparu dans le paysage de ce groupe. Le suivant depuis quelques années, voici une première entrée. Taleb utilise le terme de "robustesse". C'est un des types de réponse possible à l'incertitude. L'autre réponse est la fragilité. Et l'antifragilité, fil rouge de l'oeuvre, est la troisième réponse, désirable. Elle caractérise les systèmes et les individus qui tirent une croissance de l'incertitude. En cela, "Antifragility is beyond resilience or robustness. The resilient resists shocks and stays the same; the antifragile gets better." Former à l'anti-fragilité, objectif de l'éducation ? Mais par quelles méthodes ? On peut reprendre la vieille scie romantique de l'inductif, des projets, des problèmes (quand on ne va pas carrément vers le no-school). Pourtant, Taleb a soin de préciser : "Le désordre a ses bienfaits, dans certaines limites". Je préfère personnellement l'entrée par le stress : "Tout ce qui est organique communique avec son environnement via des facteurs de stress. Il existe une gamme de facteurs de stress dont nous avons besoin : ni trop ni trop peu". Où est le stress raisonnable dans les cours, dans l'université (à part bien entendu le stress récent pour la retraite des académiques) ? Le stress est en lien avec une autre suggestion avancée par Taleb : "jouer sa peau" ("Get some skin in the game"). Quelle prise de risque se prend encore à l'université côté étudiant, côté enseignant et côté administration (ou dans le groupe Robustesse) ? Enfin, Taleb suggère qu'une réponse à la fragilité est l'organisation locale. En cela, il renoue à mon avis avec le principe de subsidiarité qui me tient tant à coeur et que je vois si fréquemment bafoué. Quand, dans nos enseignements, peut-on se considérer en mode "local" ? Pour conclure cette introduction (eh oui), je relaie une petite provocation de Taleb : "Un autre principe qui m'est cher est l'idée que les institutions devraient avoir une date d'expiration – pour les rendre antifragiles". A mon avis, Olivier Hamant est plus rassurant !
Merci pour ta contribution, cher Dominique. Je te rassure, les travaux de Taleb nous sont bien parvenus. Je ne l’ai pas lu dans le texte, et je suis dès lors heureux que tu participes à cette réflexion. De mon point de vue, bien que moins informé, l’antifragilité est un prisme de pensée intéressant, mais pas nécessairement orienté vers des solutions, du moins pas des solutions "douces"... Pour moi, elle ne s'oppose pas à la robustesse (que Taleb ne définit pas exactement comme Hamant, me semble-t-il). Je dirais que ces deux modes de pensée s'inscrivent dans une même veine (une critique de l’obsession moderne pour la performance), mais la robustesse me semble offrir une perspective plus heuristique parce qu'elle est moins radicale. Tu le sais, je suis un pragmatique .
Par mode « local », entends-tu une approche située ? Cela me semble effectivement une voie pertinente...
Ce collectif est, pour moi, un rhizome tel que le définissent Deleuze et Guattari. Peut-être la voie de l’antifragilité est-elle un des axes intéressants pouvant se développer. Je me réjouis de te lire à ce sujet.